Celà faisait deux mois que nous étions arrivés au Kirghizstan, mais entre notre tour du Pamir en vélo, l'ascension du Pic Lénine et la glande à Och, nous avions peu vu du pays. C'est maintenant chose faite, après 15 jours à le sillonner sur les traces des touristes de plus en plus nombreux. Et ils ont raison ! J'espère que ce résumé vous donnera vous aussi envie de vous rendre dans cette petite république de l'ex-URSS assez méconnue de par chez nous.


En revenant de notre expédition en montagne, nous passons deux jours à Och pour nous reposer, laver le linge et refaire nos réserves de gras, avant de filer à Bichkek, la capitale. Tout du long des 600 km séparant les deux villes, la route serpente dans les jolis paysages du Tien-Shan, chaîne montagneuse recouvrant les trois quarts du pays. Nous arrivons juste à temps pour mon anniversaire, que nous arrosons évidemment de quelques pintes d'IPA. La ville en elle même n'a pas d'attrait particulier, mais l'architecture soviétique, les bars et restos branchés font que nous nous y sentons comme dans une ville européenne. Après 4 mois celà nous est agréable.


Notre première visite : le parc national d'Ala-Archa, situé aux portes de la ville. Depuis le centre-ville de Bichkek (700 m d'altitude), une demi-heure de voiture nous amène au cœur d'un massif culminant à prêt de 5000 m.

Après 2h de marche sportive, nous atteignons, au pied du glacier Ak-Saï, la hutte Ratsek, ancien camp d'entraînement pour les alpinistes soviétiques à leur grande époque. Il sert maintenant de camp de base pour l'ascension de plusieurs sommets alentours. Nous souhaitons gravir le Pic Uchitel (4535 m), accessible semble-t-il "en baskets". Mais après quelques centaines de mètres, le brouillard, le froid et la neige nous découragent, et nous faisons demi-tour.

Comme je déteste l'échec, nous retentons le lendemain matin. Alors qu'il fait beau en partant, le ciel se couvre progressivement et se bouche complètement avant l'arrivée au glacier. Ce n'est pas aujourd'hui que nous le verrons... Nous abandonnons de nouveau. Une fois en bas, il se met à pleuvoir. Nous retournons à Bichkek boire des bières.

Après une bonne nuit dans les camions, garés dans une ruelle derrière le bar, nous retournons à Ala-Archa, cette fois pour faire de l'escalade. Une fois arrivés à Chunkurchak, seul falaise équipée du pays, nous nous mettons en quête d'un endroit où déjeuner. Le site d'escalade jouxte une sorte de camp de vacance où des familles de Bichkek louent des yourtes construites en dur pour venir fêter des évènements (les Kirghizes adorent faire la fête). Nous voyant dépités devant les portes clauses du restaurant, un homme nous convie à son repas de famille. Dans la yourte, toutes les générations sont réunies autour d'une grande table recouverte de toute sorte de mets. Après quelques bouchées, notre hôte sort la bouteille de Vodka. Nous acceptons "juste un verre". Erreur de débutant, à ne pas faire au Kirghizstan. Après un premier toast pour célébrer les fiançailles du beau-frère, nous remettons çà aussitôt en l'honneur de l'hospitalité de nos nouveaux amis. Puis en l'honneur de l'amitié Franco-Kirghize, de la France championne du monde, de la tour Eiffel... Une douzaine de verres plus tard, l'envie de grimper nous est passée, à la place nous faisons une grosse sieste, seulement interrompue par notre ami venant voir si j'avais de la vodka dans le camion (leurs cartons avaient dû tous y passer). L'escalade est remise au lendemain. Puis nous mettons le réveil à 6h pour retenter le Pic Uchitel. Mais au petit matin le ciel est déjà gris, nous quittons donc définitivement la région de la capitale.


Sur la route, nous faisons un arrêt aux canyons de Konorchek, recommandés par Nikolaï. Une gorge étroite nous amène rapidement au milieu d'un suberbe paysage où les formations rocheuses de grès rouge rappellent fortement l'Ouest américain.

Nous nous égarons dans le labyrinthe de canyons, et décidons d'en remonter un complètement. Il est de plus en plus étroit, et la pente de plus en plus raide. Il faudra s'aider des mains pour atteindre le sommet. Le chemin du retour n'est pas évident : l'orientation est difficile dans ces reliefs. Nous visons un col, en espérant que la pente ne soit pas trop prononcée de l'autre côté. Mais elle l'est. Je me penche au dessus d'un sillon d'érosion pour voir s'il est praticable, mais la gravité fait son effet et je pars en tobbogan non contrôlé. Une dizaine de mètres et quelques égratignures plus tard, je me remets sur mer pieds pour continue la descente qui s'avérera ardue.

Nous reprenons la route en direction du lac Issyk-Kul. Nous nous arrêtons manger dans un restaurant d'autoroute. Il est noir de monde : des Kirghizes, des touristes indiens, des athlètes. Nous nous rappelons que ce soir à lieu la cérémonie d'ouverture des World Nomad Games 2018, sorte de Jeux Olympiques dédiés à la culture nomade. Celà se passe à Tcholpon-Ata, station balnéaire prisée des Russes et riches Kazakhs, et nous décidons d'y aller. Mais nous n'avons pas de billets, c'est complet, et nous réalisons bien vite que nous n'avons aucune chance de rentrer. Le dispositif de sécurité inclut des contrôles drastiques, de par la présence de plusieurs chefs d'État, dont Erdogan et Orbán. Cet événement, dont c'est la troisième édition, prend une ampleur qui dépasse les frontières de l'Asie Centrale. Cette année il y a même une délégation française, présentant une equipe pour la compétition de Kok-borou. Le lendemain matin, nous assistons à un match de ce sport équestre très populaire dans cette région du monde. Les règles sont simples : un terrain de 200 m avec deux puits de part et d'autre, deux équipes de 4 cavaliers, une carcasse de chèvre débarrassée de sa tête, le but étant de s'emparer du morceau de bidoche et de le balancer dans le but adverse. L'équipe du Kirghizstan écrase la Mongolie. Elle survolera la compétition, alors que la France se contentera d'une participation symbolique, son adversaire mettant des buts à sa place. Habitués au ballon de horseball, les Français n'arriverons pas à soulever l'animal mort de 35 kg.

Nous continuons notre circuit touristique et nous rendons à Karakol, ville phare du tourisme au Kirghizstan. Nous optons pour la randonnée la plus populaire, au lac Ala-Kul. En fin d'après-midi, nous nous enfonçons dans la vallée de Karakol, sans sac, en espérant trouver de quoi manger et dormir sur le chemin. Après 15 km, nous arrivons dans un camp en plein démontage. Nous aurons tout de même une yourte pour nous, mais pas de dîner. Nous allons alors frapper à une cabane, où des locaux nous proposent un gros plat de pâtes et quelques verres de vodka. Le lendemain nous prenons de l'altitude, jusqu'à atteindre le magnifique lac couleur emeraude-turquoise, directement alimenté par un glacier descendant des hauts sommets enneigés environnants.

Nous franchissons un petit col à presque 4000 m avant de redescendre vers le hameau d'Altyn-Arashan, où après un bon laghman nous allons nous détendre avec un bain dans les sources chaudes. L'après-midi, la maison d'hôte se rempli de randonneurs détrempés, un gros orage ayant éclaté alors que nous étions en train de faire trempette. Le jour suivant nous redescendons la vallée pour rejoindre le village d'Aksuu, pour un délicieux déjeuner de spécialités dounganes, de ces Chinois musulmans qui ont fuit l'oppression et peuplé la région.

Nous longeons ensuite la rive sud du lac Issyk-Kul, deuxième plus grand lac alpin du monde après le Titicaca. C'est une véritable mer intérieure, et le beau temps nous autorise une petite sieste sur la plage, bercés par le bruit des vagues.

Un jour plus tard nous arrivons au lac Song-Kul, principale attraction touristique du pays. Perché à 3000 m, accessible uniquement de Juin à Septembre, cette magnifique étendue d'eau attire tous les étés de nombreux bergers venus faire paître leurs moutons, vaches et chevaux dans les prairies alentours. Même si aujourd'hui les dizaines de yourtes se reconvertissent en gîtes pour les touristes venant à cheval (ou en 4x4 pour les plus fainéants), le spectacle, véritable image d'Épinal du pays, garde tout son charme.

Notre dernière étape, comme un symbole, se situe au caravansérail de Tash-Rabat, bâtiment fortifié où les marchands de la Route de la Soie faisaient halte. Celà fait maintenant 5 mois que nous empruntons cette route, et nous continuons en poursuivant à l'Est.

Cependant, nous ne pouvions quitter le Kirghizstan sans monter des chevaux, qui incarnent l'identité du pays. Une ballade de quelques heures à se faire secouer par nos montures désobéissantes nous conduit au sommet d'un col, où nous attend une vue impressionnante sur le lac Chatyr-Kol, et derrière des montagnes, dernier rempart avant la Chine que nous rejoindrons le lendemain.

Ainsi se termine notre séjour au Kirghizstan. Encore une belle découverte. Des paysages beaux et sauvages, des montagnes majestueuses, des gens accueillants, des enfants adorables... Et plein de choses que nous n'avons pas eu le temps de faire. C'est sûr, nous reviendrons !


Valérien