Après une dernière nuit en Turquie, au chaud dans le cratère d'un volcan au bord du lac de Van, nous nous dirigeons vers l'Iran. Les paysages de l'Est de la Turquie sont magnifiques, mais les nuages masquent le Mont Ararat culminant à plus de 5000m, au pied duquel se situe le poste frontière. La sortie de la Turquie se fera sans encombre : nous dépassons la très longue file de camion de TIR, puis une jolie Kurde aux yeux verts se contente de regarder nos cartes grises et nous voilà dans la zone franche. Nous nous garons devant un portail fermé au dessus duquel trônent deux portraits geants des Guides Suprêmes de la Révolution, que nous ne cesseront de revoir par la suite et que nous appellerons "les monsieurs qui regardent méchant".

Nous ne savons pas quoi faire, les douaniers sont des jeunes en service militaire pas très motivés, plus occupés à manger des chips et jouer sur leurs portables qu'à nous aider. Une personne louche finira par venir nous accoster, nous arrache nos documents, nous trimballe au pas de course de guichets en guichets, et une heure et 20€ plus tard nous voilà en règle. Nous passerons notre première nuit en Iran sur un terrain vague au bord d'une nationale après avoir mangé un kebab. Le lendemain nous filons à Tabriz, nous nous enregistrons dans un hôtel miteux puis partons acheter des cartes sim. Par miracle nous n'avons encore pas eu d'accident (l'automobiliste Iranien étant assez original), maintenant il s'agit de ne pas mourir en traversant la rue. Après avoir écumé plusieurs magasins de téléphones, nous rentrons bredouilles. Apparemment ils n'ont plus le droit de vendre à des étrangers. Nous manquons également d'argent : les CB ne fonctionnent pas (à cause des sanctions internationales envers l'Iran), et les autorités iraniennes ont rendu impossible les opérations de change afin d'enrayer la dégringolade du cours du Rial. Le lendemain, nous rencontrons par hasard Nasser, un sympathique guide parlant 8 langues dont le français (avec accent de Belfort). Il nous indique un endroit où acheter une sim et nous change de l'argent au noir. 

En route vers le sud, après une rapide visite de Kashan, nous souhaitons dormir dans le désert. Une barrière bloque la piste, et le gardien nous refuse l'accès. Deux Iraniens en 4x4 venus faire des repérages pour un tournage nous expliquent qu'en tant qu'étrangers on ne peux pas passer, que là-bas "il se passe des choses terribles". Nous commençons à trouver ce pays relou. Ils nous aideront tout de même à trouver un spot pour la nuit. 

Le lendemain nous visitons Ispahan. La villes est très jolie, des mosquées, des bazaars... Mais nous avons soif de déserts et de montagnes. 

Nous continuons vers le sud pour camper en pleine nature, mais nous sommes refoulés par un gardien une fois de plus. Tanpis, nous bivouaquerons quelques centaines de mètres de chemin de terre plus loin.

Après une bonne soupe, nous nous apprêtons à nous coucher, quand un vieux taxi Peugeot 405 ( comme 80% des voitures) débarque de nul part. Arrivés à notre niveau, 4 hommes sortent du véhicule et s'approchent de nous doucement, l'air menaçant. Après quelques secondes à nous regarder dans le blanc des yeux, ils nous demandent nos passeports, en se présentant comme des policiers. Il sont plutôt jeunes, sont habillés en civil, et sont seulement équipés de menottes et talkie-walkie. Ils nous montrent une bafouille en Farsi avec un petit logo soi-disant officiel. S'en suit une heure de fouille poussée des camions. Un 4x4 passe par le chemin. Quelques minutes plus tard il fera demi-tour, sentant que quelque chose de louche se passe. Après quelques mots de nos nouveaux amis ils repartent illico. Une deuxième voiture arrive d'où sortent 4 nouvelles personnes. Toujours le même look, mais ils sont plus agressifs. Ils font monter une personne dans chaque camion avec nous et nous ordonnent de les suivre. Quelques kilomètres plus loin ils s'arrêtent dans un terrain vague, garent une voiture face à nous, les pleins phares éclairant les camions. Nous commençons à vraiment flipper. Un policier et un militaire nous rejoignent, et repartent 5 minutes après sans qu'on ait pu leur dire quoi que ce soit. Les fouilles reprennent. Ils vident toutes mes affaires, jusqu'à regarder si des choses sont cachées dans mes caleçons... Un jeune homme particulièrement agressif, qui a le monsieur qui regarde méchant en fond d'écran sur son smartphone, me fait mettre les mains sur la carrosserie pour une fouille corporelle. Puis il commence à saisir des équipements électroniques : mon tout nouveau PC portable, smartphone, appareil photo, talkie-walkie... Mais ils ne touchent pas à nos papiers ni à l'argent. Florent essaie d'appeler l'ambassade de France mais ils l'en empêche. 

Une heure plus tard, ils remballent tout, et s'apprêtent à partir avec nos affaires ( plus de 3000 balles de matos) en nous laissant en plan, à 1h du mat au milieu de nulle part. Florent essaiera de prendre en photo la plaque d'immatriculation, ce qui lui vaudra une confiscation en force du téléphone. Pour ma part, dans un sursaut de désespoir j'essaierai de m'accrocher à la voiture qui démarre : peine perdue. Après quelques minutes bouches bées, nous prenons la route sans savoir où aller et nous arretons au premier hotel. Nous prenons une chambre, puis cherchons sur internet à quoi correspond le logo que nous avons vu sur leur papier.

Après quelques minutes le verdict : ce sont les Pasdarans, les services secrets des Gardiens de la Révolution. Cette organisation paramilitaire est au dessus du gouvernement et dépend directement du pouvoir religieux, du monsieur qui regarde méchant. Ils ne sont pas spécialement connus pour leurs méthodes douces.

Maintenant nous flippons vraiment. C'est décidé, demain nous montons à Téhéran à l'ambassade puis quittons le pays après seulement 5 jours en Iran. En attendant on essaie de dormir.


Valérien