Après une courte nuit (Florent a même gardé ses chaussures, pour fuir plus vite), nous appelons l'ambassade de France. Après discussion avec ses collègues, le consul nous confirme qu'il s'agit bien des Pasdarans. Il compte bien signaler l'incident aux autorités du gouvernement élu, mais connaissant les personnes à qui nous avons affaire il ne s'attend à aucune réponse. Il nous recommande de continuer notre séjour en Iran. Selon lui, fuir le pays de suite alerterait les services de sécurité et nous risquerions d'avoir des problèmes. Il nous demande donc de se contenter des circuits touristiques classiques en dormant dans les hôtels, exactement ce que l'on voulait éviter.

Arrivés à Shiraz nous sommes un peu blazés, on zone en ruminant qu'on en a marre des mosquées. Une personne louche viendra nous interroger sur notre voyage en Iran de façon insistante ( quelles villes, quels bâtiments visités...). Peut-être sommes nous devenus parano mais il semble faire partie des méchants. Florent me fera peur lorsque qu'un vieux lui glissera à l'oreille "police, Pasdarans". Après plus mure réflexion, il avait peut-être dit "Persepolis, Pasargades" mais on est tendu du slip.  Nous savourons quand même leurs délicieuses glaces au safran, et retrouvons un peu le sourire lorsque le glacier nous sort en douce sa bouteille de gnôle. Le lendemain, la visite de Persepolis par une guide prenomée Nazi se révélera bien inintéressante , le magnétophone ambulant se permettant même de s'enerver sur le groupe d'Allemands (lol) greffé à nous lorsque ceux ci traînent des pieds.

Après une visite de Yazd, quelques mosquées et bazaars plus loin, nous prenons la route pour le désert en direction de Garmeh. Il s'agit d'une toute petite oasis au milieu de nulle part où règne une ambiance de bout du monde. Une petite montagne surplombe le village, nous nous empressons de la gravir. En haut, une vue à 360° donne la mesure de l'immensité du désert. Nous nous sentons bien pour la première fois.

Il est temps pour nous de quitter le pays. Nous traçons à Téhéran afin de passer à l'ambassade. Après l'entretien avec le consul, nous voulons acheter quelques pièces pour nos vélos et prenons un taxi pour un magasin repéré sur Google.

Après avoir déniché la boutique, nous demandons au vendeur s'il a ce qu'on recherche. La cinquantaine, d'apparence rustre, il semble ennuyé par nos questions. Mais quand il réalise que nous ne sommes pas des cyclotouristes et que nous avons nos VTT avec nous, il retrouve le sourire. Il nous sert à grignoter et des bières islamiques (berk) , puis nous montre des photos de lui jeune faisant de la motocross ou de l'alpinisme tout en taillant son gouvernement de "motherfuckers". Notre histoire le met hors de lui, et il nous invite à une sortie VTT le lendemain. Parlant très peu anglais, Reza (son nom) nous donne le numéro d'un ami, Peyman.

Le lendemain matin, nous avons rendez vous avec lui dans un café (premier bon café) de Tajrish, un des quartiers riches du nord de Téhéran. Son look détonne : short et t-shirt fluos de VTT, barbe et tatouages. Mais il nous met de suite à l'aise. Peyman est assez hors du commun, dit bonjour à tout le monde dans la rue, et sa gentillesse n'a d'égale que sa consommation de hashish. Après quelques descentes (mes premiers tours de roue depuis plus de 6 mois), il nous invite à passer quelques jours chez lui, bien décidé à redonner des couleurs a notre séjour en Iran et ne pas nous laisser partir avec un mauvais jugement sur les Iraniens.

Ainsi nous passerons quelques jours à faire du VTT avec ses amis dans les montagnes surplombant Téhéran, à marcher, à se poser dans les cafés du quartier. Dans l'un d'entre eux, le gérant, ému par notre histoire, nous offrira le déjeuner et nous invitera même à partir en vacances avec lui. Depuis quelques jours c'est fou, tous les Iraniens que nous rencontrons nous invitent pour quelque chose. Il semble que leur réputation d'hospitalité n'est pas usurpée.

Ces quelques jours fabuleux seront bien entachés de quelques tracas : un nouveau contrôle de police pénible en rentrant le soir, une chiasse de l'espace me clouant au lit 2 jour, et des gâteaux que Payman avait laisser trainer qui nous feront rire mais nous cloueront au canapé un jour de plus. Mais les rigolades, le vin fait maison et les pique-niques cachés dans la montagne pendant le Ramadan nous aiderons à oublier notre mésaventure.

Il est temps maintenant de continuer notre voyage. Nous rejoindrons la frontière avec l'Azerbaïdjan en coupant tout droit à travers les montagnes. Les chemins de terre sinueux et l'orage nous empêcheront de traverser le premier jour. Après une bonne nuit dans le camion (ça faisait longtemps !) tandis que la boue sèche, nous repartons en prenant notre temps. Une petite marche sur une crête à plus de 3000m et une montée de 1000m en vélo de route nous redonnent la banane.

Nous quitterons l'Iran dans un drôle d'état d'esprit. Certes les débuts difficiles et les pertes matérielles nous restent en travers de la gorge, mais la gentillesse des personnes rencontrées , la beauté et la diversité des paysages nous donnent définitivement envie de revenir.


Valérien