Nous avion prévu de longue date notre escale à Och. Cette ville du sud du Kirghizstan, la deuxième plus grande après la capitale Bishkek, devait nous servir de base pour la préparation de nos futures aventures de cet été. Nous y attendons également un colis gentiment expédié par ma mère. Des équipements de sport que nous avons oublié d'acheter avant le départ, des talkie-walkie que nous n'avons plus depuis l'Iran, du rab d'antidiarrheiques... choses difficilement trouvables en Asie Centrale et nous permettant de poursuivre plus confortablement notre voyage.


Mais l'urgence, c'est mon camion. Sur le coup de la colère, je l'avais abandonné lâchement en n'emportant pas même un slip de rechange. Mais tout ce que je possède s'y trouve : mes papiers, mon argent, mes vélos... Hors de question de le laisser trop longtemps au milieu de nulle part. Et puis, il faudra bien le réparer. Pas question de continuer à deux dans le même véhicule : on s'entretuera en moins de deux semaine. 


Nous nous mettons donc sans plus attendre à la recherche d'une solution. Nous envisageons de louer un 4x4 assez puissant pour remorquer le Trafic au travers des cols séparant Och de Sary Tash. Pour cela, nous avons repéré la société Muztoo, agence de location de motos, mais qui propose également des voitures sans chauffeur, chose assez rare dans le pays. À l'ouverture, un jeune stagiaire américain nous accueille chaleureusement, et nous invite à attendre le patron. Lorsque Oybek arrive, tout s'accélère. Il est décidé à ne pas nous laisser en galère, et prendra les choses en main jusqu'à ce que tout soit arrangé. Après quelques coups de téléphones, il nous trouve une dépanneuse. Sept heures de route plus tard, nous revenons à Och avec le camion. L'altitude ici n'est que de 900 m, malgré cela il refuse toujours de démarrer. 


Rendez-vous le matin suivant, avec le soi-disant meilleur spécialiste en moteurs diesel du pays, qui travaille également pour Oybek pour une autre de ses affaires. Le mauvais gasoil Ouzbek et Tadjik est d'emblée suspecté. En pompant la poire d'amorçage, les mecanos arrivent à faire tenir le ralenti : il y a bien un problème dans le circuit de carburant. À la fin de la journée, après dépose du réservoir, vidange avec le bon diesel que l'on avait ramené d'Iran, et nettoyage de la crépine de la pompe à gasoil (qui était effectivement colmatée), le moteur ne prend toujours pas ses tours. L'inspection du moteur et des injecteurs, ainsi que le diagnostic électronique ne révèlent rien d'inquiétant (ouf), par contre le moteur retrouve sa vigueur nous lorsque l'on démonte le collecteur d'échappement. Le coupable est identifié : le filtre à particules. Le gasoil pourri l'a encrassé, l'altitude et la faible allure imposée par les routes défoncées du Pamir ont empêché toute régénération. Il est maintenant irrémédiablement bouché. 


Je commence à m'organiser. Un FAP sur Oscaro c'est 800€, un colis en express par DHL 400€. L'addition est salée, mais la solution est là. Le lendemain, Oybek nous rappelle. Ça l'embête que nous devions dépenser autant et retarder notre voyage. Il insiste pour tenter de sauver le FAP : s'il échoue, c'est pour lui, s'il y arrive, on paie son équipe, mais beaucoup moins que ce que l'on aurait dû débourser pour le remplacement. Leur plan d'attaque : chauffer le pot au chalumeau afin de brûler les suies, puis les expulser a l'air comprimé. Deux heures d'efforts en vain. Ils sortent alors le nettoyeur haute pression, mais malgré leurs efforts l'eau ne parvient pas à déboucher le filtre. En revenant de déjeuner, j'apprécie leur abnégation : ils ont ouvert l'enveloppe du pot en deux afin de permettre le nettoyage. Quelques heures de rinçage méticuleux et une soudure plus tard, me voilà avec un FAP comme neuf. Après remontage, nous allons faire un tour. Le redoutable dCi a bien retrouvé ses 90 chevaux. Sauvé ! Oybek me demande de fixer mon prix. On se met vite d'accord, et en prime il nous invite pour dîner.

Nous voilà tranquille pour envisager la suite. Nous attendons toujours le colis, et celà tombe bien. Après deux mois et demi à ne pas rester plus de deux jours au même endroit (excepté à Téhéran), se poser un peu nous fait du bien. Surtout que la ville est agréable : il fait chaud, les gens sont détendus, et c'est très vert. Outre les nombreux parcs, les grandes avenues, tirant tout droit entre des bâtiments de l'ère soviétique pas forcément charmants, sont bordées de grands arbres touffus qui transforment l'atmosphère des trottoirs. On se demande pourquoi on ne fait pas ça chez nous. Notre côté hipster citadin refait surface, et nous prenons nos petites habitudes : au Brio le matin pour leur succulent café préparé à l'Aeropress, au Nirvana le soir (où Céline Dion tourne en boucle...) pour leur IPA brassée sur site. Le reste du temps, c'est glandouille, en sirotant des Maksym, boisson nationale salée à base de céréales fermentées, au goût singulier mais terriblement addictif. Nous briseront la routine en allant passer le weekend au bord d'une rivière, pour nous essayer à la pêche. Sans surprise, nous ne sortirons pas une seule truite et retournerons à Och reprendre notre régime pâtes/pizzas.


La prochaine aventure se fera sans les camions. À l'heure où j'écris ces lignes, nos vélos sont prêts, et le colis toujours pas arrivé. C'est problématique car le programme de notre tour en bicyclette est ambitieux. Nous avons besoin de panneaux solaires portables pour recharger nos smartphones, qui nous sont très utiles car ils font également office de GPS et d'appareil photo. Nous attendons également des cassettes de vélos plus adaptées à notre itinéraire, des filtres à eau... Nous nous tâtons à partir sans, de peur de prendre du retard sur notre planning estival. Finalement, celà ne fera qu'augmenter un petit peu la difficulté déjà élevée de ce qui nous attend, et rajoutera un peu de piquant. Mais dans ce cas, plus de nouvelles et plus de photos à partager avec vous pendant trois semaines.

Aujourd'hui, puisque je n'ai pas de jolies photos à vous montrer, je vous prépare une petite visite guidée de mon camion !


Valérien