Pendant deux jours, nous harcelons la compagnie maritime au téléphone pour connaître le prochain départ pour Aktaou. Les deux seules réponses que nos interlocuteurs connaissent sont "rappellez dans 2h" et "peut-être demain". Nous décidons donc de nous pointer directement au port, situé à 70 km de Bakou. Nous arrivons de nuit, et après un dîner composé de caviar acheté au bazaars (bof) et de pâté de canard ramené de France (miam), nous dormons dans les camions sur un parking aménagé sur la zone d'embarquement. Pas de départ ce soir. 


Le lendemain matin, nous faisons un petit tour du propriétaire. Sur le parking, des conteners en guise de banque, de toilettes, de supérette ou encore de salon de thé. D'un côté, les semi-remorques des routiers venus de Turquie ou d'Ukraine. De l'autre, les cyclo-touristes, motards, 4x4 et autres auto-stoppeurs. Tous les continents et tous les âges sont représentés : un couple d'Anglais à vélo ont bien 70 ans. Rapidement nous faisons connaissance avec deux Français : Aldo qui roule vers la Mongolie en moto et Charles qui vise Moscou à vélo après être venu en Iran depuis Paris. C'est finalement en fin d'après-midi que l'on nous fait embarquer sur Professeur Gul. Après les habituelles douanes et taxes en tout genre, nous dégustons un repas soupe/poulet, le premier d'une longue série. En effet nous sommes à bord mais le bateau reste à quais. Nous passerons la journée du lendemain à bouquiner, faire connaissance avec les autres voyageurs, jouer aux cartes, en attendant impatiemment les repas. Il n'y a strictement rien d'autre à faire sur ce navire. Vers 17h nous larguons enfin les amarres. La traversée durera 24h. Après plusieurs kilomètres à longer les plateformes pétrolières qui forment pratiquement un ensemble continu, nous nous retrouvons en pleine mer. Difficile d'imaginer que nous sommes sur un lac. Le lendemain le débarquement sera suivi d'un passage en douane particulièrement pénible (comme d'habitude). À terre à 17h, nous serons libres de circuler à minuit... Nous dormons donc sur place.


Le lendemain nous nous dirigeons vers la frontière avec l'Ouzbékistan. La route a suivre est simple, il n'y en a qu'une : 400 km composés de deux lignes droites et un virage. Les paysages sont sympas : d'immenses étendues désertiques sont creusées de dépressions (jusqu'à -130m d'altitude) laissant apparaître des formations rocheuses avec de jolies couleurs. On ne croise personne, seulement quelques chevaux en liberté, des chameaux et des pneus éclatés.


Après une heure ou deux, nous apercevons un cycliste assis au bord de la route. Nous nous arrêtons, il s'agit de Charles qui est au bout de sa vie. La veille (enfin plutôt la nuit précédente), il a voulu suivre Harry, son "colloc" du bateau. Cet ancien rugbyman Anglais, que l'on surnomme "Mike Horn", est une machine. Après avoir remonté l'Afrique, il entreprend de traverser l'Asie en pédalant en moyenne 160km par jour. Charles est vraiment lessivé, nous l'embarquons donc dans le camion avec son vélo. 


Une centaine de km plus loin, nous apercevons un grosse forme noire au milieu de la route. Il s'agit de Harry et son vélo de plus de 50km. Il est en train de relancer en danseuse, face au vent dans une belle côte. Nous arrêtons pour lui préparer un café. Il nous apprend qu'il ne s'est pas arrêté de la nuit. Il tient absolument à parcourir 200 miles (320km) avant de se reposer, malgré le soleil de plomb et le vent défavorable qui souffle en continu...


Un peu plus loin, alors que nous sommes en pleine pose déjeuner au milieu du désert, deux nouveaux cyclistes nous rejoignent. L'un ne peut plus passer les vitesses, alors nous lui changeons son câble de dérailleur ( on transporte un véritable atelier vélo). Puis c'est au tour de Aldo, notre ami motard de nous rejoindre. Nous continuerons entre Français jusqu'au prochain village pour acheter des bières bien fraiches, bientôt rejoints par Ole, un motard allemand qui partageait notre chambre sur le bateau.


Nous bivouaquerons tous ensemble dans un cadre parfait : silence absolu et ciel tapissé d'étoiles. Au final dans cette région du ponde, bien que les routes soient d'interminables lignes droites, le désert n'est jamais monotone !


Valérien